Bernard-Henri Lévy a écrit dans un de ses articles avoir aimé La nostalgie de l’honneur (Grasset). Voilà, pour le lecteur de bon goût une juste raison de se méfier de ce livre. Et pourtant. Le premier livre de Jean-René Van der Plaetsen, prix Jean Giono 2017 est loin des combats médiatiques de l’auteur de L’idéologie française. Ici, pas d’aventure égotique sur la ligne de front avec le Tartarin médiatique du café de Flore.

Cet hommage littéraire à Jean Crépin héros de la France libre, général de la 2ème DB et artilleur hors pair sent au contraire le sang la sueur et les larmes comme le disait l’illustre habitant du 10 Downing street. L’auteur trempe sa plume non pas dans la plaie mais dans une encre fabriquée avec la sève noire de la guerre pour composer une partition littéraire sur la tragédie de l’histoire et d’un homme, son grand père. Une figure au destin romanesque mais dont l’ombre colossale a probablement longtemps intimidé son petit fils. L’auteur a attendu l’âge mur pour évoquer cette vie hors norme. Il a fallu que le temps passe pour qu’il extirpe du souvenir familial la sève historique de ce sujet où l’intime se lie à l’histoire nationale. Cette maturation donne un premier livre réussi dont le sujet martial est toutefois paradoxalement empreint d’une certaine douceur littéraire, marquée par les souvenirs d’enfance auprès de cette statue du commandeur familiale. Même si on peut regretter certains parallèles parfois un peu forcés avec notre actualité, le plaisir de lecture de ce livre nous amène loin des égos boursouflés d’une littérature parisienne qui nous livre à chaque rentrée le moindre de ses état d’âme. Ainsi, l’’auteur nous convie à l’écoute des souvenirs de ce grand père, de son destin, mais aussi sur cette aventure collective que fut le phalanstère héroïque des combattant de la France libre. L’épopée des hommes du serment de Koufra prend pour le lecteur de 2017, l’aspect mythologique que les contes d’Ossian avaient pour les âmes romantiques du XIXe siècle. Il nous amène dans un monde révolu où l’honneur et le sens du sacrifice n’étaient pas encore rendu anachroniques par une époque mercantile ayant perdu le sens du sacré.
En plus du général Crépin, ce livre dresse un Panthéon de personnalités hors normes. Ces soldats accourus de toutes les provinces du pays et au-delà, devenus des guerriers du désert et qui au cours de la bataille de Bir Hakeim sortiront la France du camp des vaincus. Ces Français libres qui, après le 6 juin, deviendront les libérateurs du territoire et formeront la si fameuse 2ème division blindée qui entrera dans Paris puis Strasbourg. Des hommes qui choisirent l’inconfortable honneur quand d’autres préférèrent une confortable compromission. Leur aventure ne se termine pourtant pas en 1945 mais se poursuit dans les guerres coloniales où toute une génération d’officiers reste fidèle à « une certaine idée de la France », versant son sang quand tout un pays n’aspire plus qu’à la paix et à au confort d’une prospérité retrouvée. « L’honneur plutôt que les honneurs » pour reprendre la formule d’Hélie de saint-Marc, voilà ce qui animaient ces hommes. Notre époque qui délivre les Légions d’honneur à tour de bras, a malheureusement inversé la logique.
Emond Burke écrivait lors de la Révolution « L’âge de la chevalerie est passé. Celui des sophistes, des économistes et des calculateurs lui a succédé. » Le propos visionnaire parait pourtant plus adapté à notre temps qu’au sien. Notre époque est devenue terne au regard de celle où s’éteignait la dernière lueur de la chevalerie française. Le « Enrichissez-vous » du Guizot de la Start Up nation est incontestablement préféré par nos contemporains à l’esprit si anachronique des hommes décrits par Jean-René Van der Plaetsen. Cet esprit a probablement disparu, ce n’est pas une raison pour ne pas le célébrer avec nostalgie.