Le Ministère de la Défense a décidé de débaptiser la promotion Général Loustaunau-Lacau de l’Ecole de Saint-Cyr qui forme l’élite des officiers français. Pour justifier cette décision inédite dans l’histoire de cet établissement, les autorités militaires ont mis en avant le fait que ce héros des deux conflits mondiaux, résistant et déporté, a rédigé certains articles antisémites durant les années 1930.

Qu’il est difficile d’être un héros de nos jours ! Vous mourez en serviteur fidèle de votre pays, un demi-siècle plus tard vos descendants se découvrent les héritiers d’un être malfaisant dont la seule évocation dégage des effluves nauséabondes. C’est en tout cas le sort infamant qui a été réservé à ce général choisi pour ses faits d’armes par les futurs hauts gradés de notre Armée. Mais le temps n’est plus à la nuance mais aux mises à l’index idéologiques. Equipés de leurs convictions progressistes, certains de nos contemporains utilisent un radar idéologique sur le passé pour y dresser un implacable tribunal à remonter le temps. C’est donc une habituelle rengaine qui s’entend cette fois du côté du Ministère de la Défense pourtant peu coutumier de ce type de pratiques importées des universités américaines.
Qui est donc le général Loustaunau-Lacau qu’on cherche à effacer de la photo tel un dissident soviétique ? Sur le plan du prestige militaire, difficile de concurrencer ce soldat. Sa carrière militaire débute en 1912 quand il intègre Saint-Cyr à 18 ans. En 1914, alors que la guerre est déclarée, il se recueille dans la cathédrale de Reims avant de partir au front. Sa destruction en septembre par les Allemands bouleverse ce patriote exalté qui écrira dans ses mémoires concernant ces sombres années et sa détermination ainsi que celles de ses camarades : « Le général qui nous a trempés comme des lames, n’a plus besoin de parler. Notre pensée est une et claire comme l’eau des gaves à leur source : dussions-nous tous passer sous la terre, nous reprendrons l’Alsace, et nous la reprendrons en gants blancs. » Décoré plusieurs fois et blessé en février 1918, il a l’honneur de diriger le premier détachement français qui entre dans Strasbourg libérée après 48 ans d’occupation.
Héros de la Résistance
C’est durant l’Entre-deux-guerres qu’il participe au réseau Corvignole que l’on présente à tort comme le pendant militaire de la Cagoule, cette milice factieuse qui marqua la France des années 1930. Il niera toutefois cette appartenance et sera innocenté lors du procès de la Cagoule en 1946. Il reconnaîtra seulement avoir mené une surveillance des communistes au sein de la Grande Muette. A la même époque, il crée plusieurs revues très violemment anti-communistes et anti-allemandes qui dénoncent à de multiples reprises la menace nazie et la Russie stalinienne. C’est au sein de ces revues, Barrage et Notre Prestige, qu’il rédige plusieurs articles antisémites, raison principale évoquée par les autorités militaires pour débaptiser la promotion de Saint-Cyr. Ecrits coupables mais que les actions courageuses et honorables qu’il mena ensuite contre la tyrannie nazie relativisent toutefois. Elles mériteraient qu’on observe ces lignes coupables avec plus de retenue que ce que ce qu’ont fait le Ministère de la Défense ou un journaliste de l’Opinon dans un article uniquement à charge.

Ainsi, après une campagne de 1940 encore glorieuse au sein des troupes françaises en débâcle, il revendique la destruction de 22 chars avec ses hommes puis crée un réseau de résistance. Il est malheureusement rapidement arrêté en juillet 1941 puis transféré à la Gestapo et passe près de six mois dans les cellules du Waffen-SS Hugo Geissler. Le prisonnier subit cinquante-quatre interrogatoires avec les tortures que l’on imagine. Il est ensuite condamné à mort et transféré au camp de concentration de Mauthausen. Dans son livre Chiens maudits, il évoquera ce terrible épisode « Aucun crime ne les effraie. Ils ont le goût du sang et de la torture. Au lieu de se corriger, leurs instincts criminels ont été portés au paroxysme. C’est un destin magnifique pour un bandit de commander jusqu’à mille hommes avec le droit de les tuer si bon lui semble au lieu de traîner le boulet des forçats. Nous faisons la connaissance de ces messieurs au bloc de quarantaine. » Il survit à cette terrible épreuve et témoigne même à la fin de la guerre lors du procès du maréchal Pétain. Avec son franc parler l’officier déclare devant la Cour : « Je ne dois rien au maréchal Pétain, mais je suis écœuré par le spectacle des hommes qui, dans cette enceinte, essaient de refiler à un vieillard presque centenaire l’ardoise de toutes leurs erreurs. » Sur cette période d’Occupation, le communiqué de la Défense lui reproche également un courrier de 1940. Cette lettre adressé aux Allemands et dans laquelle il propose ses services aux autorités d’occupation est écrite trois mois seulement avant son entrée dans la Résistance. Au vu de ses états de service glorieux et de son ressentiment à l’encontre de l’Allemagne qu’il a exprimé toute sa vie, il parait pourtant évident qu’il s’agit ici d’un stratagème pour servir les intérêts de la Résistance. Il aurait en tout cas été juste d’évoquer cette possibilité.
Le crépuscule d’un soldat
Au crépuscule de sa vie, l’officier entre en politique sous la IVe république et siège sur les bancs de la droite nationaliste. Il s’y démarque toutefois violemment de certains de ses collègues au néo-pétainisme assumé comme il l’écrit ainsi dans un courrier rendu publique : » il n’est en effet ni possible ni souhaitable de fonder l’espoir d’un renouveau politique sur la personne du maréchal Pétain. Ce qui sourd de l’esprit de revanche ne saurait animer la pensée politique. Le néo-pétainisme n’est pas viable, parce que la majorité de ce pays tourne le dos aux Darlan et aux Laval, qui ont tourné le dos à la France. Tout ce passé est mort, et s’agissant de construire il n’y a pas lieu de le ressusciter ». Il soutiendra même Pierre Mendès France en 1954 lorsque celui-ci sera nommé Président du conseil, ce qu’un antisémite forcené aurait probablement eu du mal à faire.
Le vieux soldat reçoit ensuite la Grande Croix de la Légion d’Honneur et se voit nommé général officiellement le jour de sa mort en 1955. La république ne voit alors rien qui s’oppose à cet honneur. Ainsi s’achève la vie de cet homme qui a eu sa part d’ombre en effet mais qui après son expérience dans les camps de la mort, directement confronté à la haine antisémite nazie, ne réitéra jamais ses écrits racistes. Il est possible d’imaginer que cette réalité ait changé sa vision sur les Juifs. Ce n’est peut être pas le cas, il s’agit de suppositions mais il est des hommes à qui on pardonne plus facilement que d’autres, selon leurs bords politiques, cet antisémitisme malheureusement partagé par une majorité de Français en ce temps. Comme l’a écrit Simon Epstein dans son livre Un paradoxe français (2008) : « Nombre d’antifascistes de 1936, basculés collaborateurs en 1940 mais experts à se faire pardonner en 1944, auront connu une Libération plus paisible que celle qui s’acharna sur ce résistant de la première heure, rescapé de Mauthausen et des « marches de la mort » Dix ans plus tard, l’acharnement continue.
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