Alice Cornière « Comme au Moyen Âge, j’utilise le parchemin »

Alice Cornière est une jeune femme de 23 ans détentrice du titre très rare d’Enlumineur de France. Sa boutique (Alys-art) est à Nantes au 22 rue Armand Brossard où on peut admirer et acheter ses créations, résultats délicats de longues heures de travail. Elle répond à nos questions sur cette technique ancestrale qui connut son âge d’or au Moyen Âge.

Comment apprend-on aujourd’hui le métier d’enlumineur ?

Alice Cornière : J’ai appris ce métier à Angers à l’Institut supérieur européen de l’enluminure et du manuscrit. Il s’agit d’une formation en deux ans. Durant la première année, on s’initie à toutes les techniques : pose de la feuille d’or, travail du parchemin, différentes techniques de peinture, calligraphie, connaissance des périodes de l’enluminure, un peu de reliure et puis, bien sûr, apprentissage du dessin médiéval qui est complètement différent du dessin technique enseigné aux Beaux-arts. En deuxième année, on réalise un livre manuscrit entièrement fait à la main, fruit d’un an de travail. C’était, pour ma part, une retranscription du livre contemporain Le moine d’Antonin Artaud, mais rédigé dans le style des manuscrits médiévaux.

L’enluminure médiévale est la source d’inspiration principale de votre travail. Qu’est-ce qui vous plaît particulièrement dans celle-ci ?

Un peu tout !  J’aime beaucoup les motifs d’or que l’on retrouve dans ce type d’enluminure. J’apprécie aussi ses couleurs et toutes leurs déclinaisons possibles. J’aime aussi ses nombreuses nuances de gris qui s’associent très élégamment à l’or. Mais je ne me limite pas à ces modèles, d’autres œuvres m’inspirent également comme l’art islamique par exemple mais aussi, parfois, des créations plus modernes.

Travaillez-vous de la même façon qu’un enlumineur du Moyen Âge ?

Non, même si j’aurais les moyens de le faire,  mais beaucoup de pigments utilisés alors étaient très toxiques comme le blanc de plomb ou l’orpiment composé d’arsenic. Quand on s’en sert, on est donc contraint à prendre de nombreuses précautions comme mettre des gants, une blouse et un masque. Je ne les utilise donc pas ou que très rarement, je les garde en exposition ou je les emploie à la demande lors d’une commande spéciale. Mon liant est en revanche une recette médiévale fabriquée à partir de blanc d’œuf, de gomme arabique et de miel.  Pour les pinceaux, on n’a pas trop d’informations aujourd’hui sur ceux que les enlumineurs  utilisaient à l’époque, donc c’est difficile à dire. En revanche pour le support, comme au Moyen Âge, j’utilise le parchemin même si les techniques de sa fabrication ont un peu évolué. Je préfère de toute façon le parchemin au papier qui est trop fibreux, moins pratique et moins esthétique. J’utilise essentiellement du parchemin en peau de chèvre, alors qu’à l’époque on utilisait plus couramment le vélin fait à base de veaux morts nés.

Est-ce un pur travail de copiste ou la créativité fait-elle aussi partie de ce métier ?

Pour mon manuscrit réalisé lors de ma formation, c’était essentiellement de la créativité. Mais c’est moins le cas dans mon travail d’aujourd’hui. Je préfère maintenant la copie et la technique car tout ce que je trouve dans les manuscrits anciens est déjà magnifique !  Je m’inspire donc amplement de ces modèles anciens tout en y insérant parfois des touches plus créatives  par le choix de mes propres couleurs. Plus que de création, on peut parler dans ce travail de composition.

Comment vit-on de l’enluminure aujourd’hui ?

Difficilement malheureusement ! Les gens ne la connaissent plus de nos jours. J’adore pourtant mon métier mais parfois je suis découragée par ce manque d’intérêt du public. Je vends peu mes œuvres, même si les marque-pages avec enluminures marchent bien quant à eux. Sinon, j’ai parfois quelques commandes spécifiques mais ça reste dans l’ensemble une production assez irrégulière. En revanche, je donne beaucoup de cours d’enluminure et de dessin qui, eux, fort heureusement marchent bien et me permettent de poursuivre le chemin de ma passion.

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