La chambre des dupes, la nouvelle fresque historique de Camille Pascal

Son premier roman, L’été des quatre rois, plongeait le lecteur au cœur d’un Paris embrasé par la révolution de 1830. Camille Pascal change cette fois de siècle dans son nouveau livre La chambre des dupes, installant son récit au sein de la cour de Louis XV.

L’écrivain, ancienne plume de Nicolas Sarkozy, s’introduit dans les grandes galeries du château de Versailles et dans les alcôves plus feutrées du pouvoir des résidences royales de Choisy ou Marly. Il s’y révèle que le destin de la France se joue parfois aussi bien sur les champs de bataille que dans le lit d’un roi épris de conquêtes féminines. On y découvre  en  détail l’incroyable lourdeur de l’étiquette de la monarchie des Bourbons qui s’apprête bientôt à disparaître dans le torrent révolutionnaire. Au milieu du siècle des Lumières, le temps est toutefois encore à l’insouciance aristocratique. Voltaire y anime encore de ses bons mots les salons parisiens. La guillotine n’a pas encore été dressée sur la place Louis XV. Mais,  derrière les mœurs si policés de l’Ancien Régime, les combats politiques et les révolutions de palais n’en font pas moins déjà de nombreuses victimes. L’échafaud n’est toutefois pas l’irrémédiable  conclusion de ces intrigues : l’exil en province et l’éloignement de la cour sont des mises à mort sociales presque autant redoutées. Avec La chambre des dupes, Camille Pascal narre avec brio un de ces complots qui aboutit à l’incroyable humiliation publique de l’arrière petit-fils du roi Soleil par le parti dévot en 1744.

La Chambre des dupes publié chez Pocket par Camille Pascal

En cette année mémorable,  le souverain tout juste âgé d’une trentaine d’années multiplie les conquêtes féminines, plus porté par ses passions de cœur que par les affaires de l’Etat. Le jeune homme se complet dans cette vie au grand dam des prélats de cour et sous l’œil souvent goguenard de son peuple. Ce dernier ne manque pas d’ailleurs de moquer en chanson les aventures extra-conjugales de son roi. Les sentiments du roi se portent dans ces années sur trois  sœurs de la famille  Mailly-Nesle dont la faveur royale sert les intérêts de leur oncle le sémillant duc de Richelieu. En effet, après avoir été amoureux de l’ainée Pauline, morte en couche, l’amant malheureux jette son dévolu sur sa sœur à l’ambition dévorante : Marie-Anne, future duchesse de Châteauroux. La nouvelle maitresse royale, secondée par son oncle, réussit à conquérir le cœur du roi, mais aussi à se hisser sur l’échiquier politique en s’essayant à la diplomatie. Elle en bouleverse l’équilibre entre les ministres et s’attire de nombreux ennemis dont le duc de Maurepas. La jeune femme est au centre  de cette cabale de cour qui se joue en 1744 alors que le roi part aux armées en Lorraine lors de la guerre de succession d’Autriche. Aussi voluptueuse que la reine est bigote, la maitresse, manipulatrice et amoureuse, souhaite suivre son amant en route vers les armées positionnées aux marches du royaume. C’est en chemin que le roi tombe gravement malade entraînant alors un subit renversement politique. Quasi mourant, le souverain, par crainte de son salut, renie sa maîtresse sous la pression active de l’Église et de certains ministres trop heureux d’écarter du pouvoir la nièce du descendant de  Richelieu. Coup de théâtre final, la rémission inattendue du souverain amène un nouveau rebondissement qui entraine la chute des acteurs impliqués dans cette humiliation et la vengeance implacable de la duchesse de Châteauroux…

A la fois roman historique mais aussi pointilleux ouvrage d’historien, le livre impressionne par sa capacité à exceller dans les deux registres. La méticulosité des descriptions, les foisonnants détails sur la vie de cour, l’ampleur des sources sollicitées – les nombreuses lettres citées sont authentiques -,  imposent Camille Pascal comme un des meilleurs spécialistes de la cour de Versailles. Il reconstitue avec une précision d’orfèvre les intérieurs en clair-obscur des petits appartements aux multiples portes dérobées et la lumière éclatante des jardins royaux. L’auteur se livre à ce travail romanesque avec gourmandise et ressuscite non sans une délectation érudite nombre d’expressions de l’époque et la grivoiserie du temps. Un exercice de style qui n’est parfois pas sans rappeler ce que fit Robert Merle avec le français si fleuri du XVIe siècle dans sa grande fresque Fortune de France.

L’auteur, familier des lieux de pouvoir, semble aimer ces moments décisifs quand le chemin de l’histoire bifurque. Aujourd’hui comme hier, les ministres y sont souvent des intrigants accrochés au mirage du  pouvoir. La monarchie d’Ancien Régime ne sort pas toutefois grandie de la restitution de ces intrigues de salons en huit clos. On perçoit la sclérose d’un pouvoir que les coups de canons sur la Bastille renverseront un demi-siècle plus tard. Un temps où l’esprit de courtisanerie et les intrigues des maîtresses royales décidaient trop souvent du sort d’un royaume et un souverain qui, malgré son sens de l’Etat, paraît étroitement guidé par ses passions amoureuses et à la merci de son manque de fermeté. Ce type d’intrigues que dénoncèrent plus tard les révolutionnaires pour dénigrer une monarchie jouet des courtisans et courtisanes engagés dans une course au pouvoir. La chambre des dupes et ces multiples intrigues politiques menées derrière les rideaux du lit royal ne contredit pas cette idée. Camille Pascal, avec ce nouvel ouvrage historique, s’affirme lui dans la lignée des grands écrivains du roman national.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s