Kharkov 1942, quand l’offensive soviétique tomba dans le chaudron allemand

Le choix peut surprendre, mais c’est la méconnue seconde bataille de Karkhov (entre le 12 et 28 mai 1942) qu’a choisie l’historien Jean Lopez comme sujet de l’ouvrage inaugural pour lancer la nouvelle collection « Champs de Bataille » des éditions Perrin. L’historien, biographe du maréchal Joukov, y relate un des derniers grands revers de l’armée rouge face à l’armée allemande.  

Kharkov 1942 aux éditions Perrin

L’échec des troupes russes à Kharkov arrive quelques mois après celui de la Wehrmacht devant Moscou au début de l’hiver 1941. Jean Lopez, dans son déjà classique Barbarossa sorti en 2019, terminait son ouvrage par cette défaite qui a vu les rêves de conquête du führer et l’état-major allemand être brisés par les conditions météorologiques épouvantables et la résistance opiniâtre des troupes russes. En ce printemps 1942, à la veille de la bataille, l’armée allemande s’apprête toutefois à reprendre son élan afin, comme l’espère Hitler, de mettre à terre définitivement l’armée rouge. Une opération qui permettra la grande poussée en avant des troupes germaniques vers le sud-est de la Russie et les rives de la Volga avant son arrêt devant Stalingrad. Comme une suite logique, dans son nouvel ouvrage, Jean Lopez, parmi les plus grands spécialistes français de l’armée russe, s’intéresse donc ici à ce deuxième round du plus terrible conflit de l’histoire mondiale.

Après l’échec devant Moscou, le commandement allemand a décidé de privilégier une offensive principale vers le sud de la Russie et ses plaines, idéales pour l’avance de ses divisions blindées. Le but est de couper le pays en deux et d’atteindre les puits de pétrole autour de la région de Baku. Un plan voulu par Hitler qui repose sur une analyse faussée du potentiel militaire soviétique. Comme le montre très bien Jean Lopez, le commandement allemand pense à tort l’armée rouge au bord de la rupture. Ainsi selon le renseignement militaire allemand, « de nouvelles formations à grande échelle ne semblent possibles qu’en prélevant sur la substance. Il parait douteux que ces prélèvements puissent être effectués alors que les mécanismes d’État sont sans aucun doute ébranlés et que la situation de l’alimentation et des industries d’armement semble critique ». Encore un exemple des erreurs d’évaluation de l’état de l’adversaire qui, jusqu’au dernier jour du Reich en 1945, continueront à bercer Hitler d’illusions. 

Le général Timochenko

De son côté, Staline, fort de sa contre-offensive victorieuse de l’hiver précédent, souhaite aussi passer à l’assaut malgré les limites importantes encore de son outil militaire, loin d’atteindre encore l’excellence qui sera le sien à la fin de la guerre. Dans la crainte d’une attaque surprise allemande, il souhaite que ses généraux passent à l’offensive avant l’adversaire. C’est le plan du général Timochenko, parmi les favoris de Staline, qui va être choisi. Son but est de mobiliser six armées soviétiques, pour continuer à garder l’initiative stratégique en reprenant Kharkov, ville stratégique d’Ukraine, occupée par l’ennemi et d’où le commandement de l’armée rouge suppose que partira l’une des grandes batailles d’été du Reich. Le haut commandement soviétique espère ainsi perturber l’ennemi dans ses préparatifs offensifs. En attaquant dans la région autour de Kharkov – la bataille se déroule à l’extérieur de la ville –, l’armée soviétique pénètre dans un nid de guêpes qui va rapidement lancer ses assauts et mettre en déroute les assaillants. Après quelques jours de succès, les attaques russes sont en effet brisées, et l’armée allemande, soutenue pour la dernière fois dans cette guerre par une Luftwaffe décisive, réussit sa contre-offensive et encercle plusieurs armées soviétiques dans ce kessel (chaudron) – le dernier de la guerre –, avec plus de 240 000 prisonniers à la clef.

L’ouvrage, s’il ne révolutionne pas l’histoire-bataille, la renouvelle de manière réussie et parvient parfaitement à en poser les enjeux, ainsi qu’à retracer en détail le déroulement des opérations en s’appuyant sur de nombreuses archives inédites russes mais aussi allemandes. Dans une dernière partie, qui se veut un des traits caractéristiques de cette nouvelle collection, Jean Lopez donne un aperçu de la mémoire de cette bataille côté allemand et soviétique. Il faut noter la qualité donnée par l’éditeur à cette nouvelle collection, avec une mise en page élégante et un carnet central de cartes en couleurs très réussies et claires. Si le manque de cartes peut parfois gâcher la lecture de certains ouvrages d’histoire militaire, ici elles sont justement un parfait complément d’un texte admirablement maîtrisé. Cette collection s’annonce prometteuse et on attend avec impatience les deux prochains livres dédiés aux batailles de Verdun et de Crécy.

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